mercredi 17 mai 2006

ALLER / RETOUR 2 - Centre Culturel Suisse


du 23 avril au 16 juillet 2006

Carte blanche à Fischli et Weiss


Soit un couple d'artistes, Fischli et Weiss, connu depuis assez longtemps maintenant, non seulement en Suisse mais également au plan international. Le Centre Culturel Suisse de Paris leur donne carte blanche et le résultat est cette exposition dans laquelle ils présentent les oeuvres d'un certain nombre d'artistes suisses d'une nouvelle génération et dont ils apprécient le travail.



Une pièce fameuse de Fischli et Weiss s'appelle Der Lauf der Dinge (Le cours des choses). C'est une vidéo qui dure 30 minutes et qui montre des objets usuels, pauvres, organisés, agencés de telle sorte qu'en se bousculant, qu'en se percutant, ceux-ci produisent une chaîne d'actions sans interruption.
Ces déplacements, souvent très spectaculaires, sont fondés sur des réactions physiques (comme le déséquilibre) ou chimiques qui produisent des destructions, des projections, des explosions, des feux, excessivement bien maîtrisés engendrant ce fameux "cours des choses". Cette installation animée est une construction qui a demandé une précision extrême et un temps fou pour la réaliser. Tout fonctionne comme une mécanique d'horlogerie. Fischli et Weiss ne sont pas nés en Suisse pour rien. Cette construction est vouée à sa destruction immédiate, juste après utilisation. Comme une allumette dont on gratte l'extrêmité et sur laquelle on va souffler après un usage unique.
Le son est également travaillé, amplifié, traité de manière souvent humoristique et grinçante. Mais c'est une oeuvre qui est peu montrée que nous allons découvrir dans l'exposition : nous avons la chance de voir en boucle ce qui a constitué l'ébauche , l'avant-projet, de Der Lauf der Dinge, tourné en super 8 ; le premier état de Der Lauf der Dinge : trois minutes sans son.


Chez Fischli et Weiss on est dans ce monde fait d'un univers décalé, étrange, parfois vaguement ridicule, souvent drôle et un peu inquiétant à la fois. Toujours inventif.
Les artistes qu'ils ont invités répondent à ces critères.

David Renggli présente plusieurs oeuvres dont L'Échelle penchante (Die angesenkte Skala, de 2004). Sur le cartel disposé à côté de l'oeuvre, nous pouvons lire : "Vitrine, verre, alcool, bois, fruits, légumes pain et divers objets". L'apparence est celle d'un tableau. C'est une composition, telle une nature morte, placée dans un cadre d'une certaine profondeur. Les objets ne sont pas des représentations mais des objets réels souvent périssables. Le tout est immergé dans un bain d'alcool.



Nous sommes face à un schéma artistique connu, habituel, mais le décalage réside dans sa fabrication, sa composition fragile et l'utilisation des matériaux.

Une petite vidéo est présentée, très haut sur le mur blanc. Elle est accompagnée d'une composition musicale étrange, jouée uniquement au piano qui vise à créer cette ambiance si décalée, tirant sur le temps. Devant le vidéo-projecteur est placé un oculus fabriqué très grossièrement dans un carton dont on a évidé le centre. Une bordure informe a ainsi remplacé le cadre. L'image est en noir et blanc. Plus blanc que noir, d'ailleurs, puisqu'elle représente l'ascension laborieuse d'un alpiniste qui s'enfonce dans la neige et est perdu dans la tempête. Cet Homme des neiges (Mann im Schnee, c'est le nom de cette vidéo qui dure cinq minutes) est simplement armé d'un bâton à main gauche et d'un drapeau blanc à main droite. Il s'agit d'une oeuvre de Lutz et Guggisberg. Je ne veux y voir aucune dimension symbolique ni aucun message. Peut-être simplement un archétype un peu ridicule à la manière des vanités de Fischli et Weiss jouant sur les stéréotypes, les faux animaux sauvages et leur rapport à la nature. La dimension poétique est forte.





La dernière oeuvre que j’ai trouvée très attachante est celle présentée sur un mur entier et composée de tableautins de format A4 représentant “maladroitement” des petites scènes, des objets ridicules ou bien de simples phrases sibyllines
, des truismes vaguement idiots ou encore des coloriages.
Ces petites traces laissées sur des supports pauvres mais très soigneusement encadrés occupent un pan entier du lieu d’exposition. Cette oeuvre a été réalisée par Annelise Coste et me fait irrémédiablement penser à celle d’un artiste britannique : David Shrigley, montré chez Yvon Lambert.


Là aussi le choix opéré par Fischli et Weiss est nettement identifiable.
Ces deux artistes avaient inauguré le Centre Culturel Suisse il y a vingt ans. Dans vingt encore on peut imaginer qu’un de ceux qui sont présentés aujourd’hui prendra à son tour le relais.

Photographies extraites du site du CCS et de l'auteur.

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