samedi 27 mai 2006

La Force de l'art, un titre... (1)

UNE MANIFESTATION TRIENNALE,
 200 ARTISTES,
 7 000 m2 SOUS LA NEF DU GRAND PALAIS, jusqu'au 25 juin
 15 POINTS DE VUE SUR L'ART    D'AUJOURD'HUI
 Cette Force de l'art est une exposition d'expositions. C'est la première d'une triennale qui se présente comme la juxtaposition de quinze points de vue différents sur la création d'aujourd'hui. Ces points de vue sont le fait de critiques d'art, d'écrivains, de commissaires d'expositions,   de rédacteurs de revues,  de directeurs de musées ou de centres d'art, d'artistes ou bien encore d'historiens d'art  à qui l'on a confié un espace dans cet immense lieu récemment rénové : le Grand Palais. 
  L'intention annoncée est de témoigner de la vitalité de la création artistique française. Cette manifestation est conçue pour prendre place aux côtés de manifestations similaires qui se déroulent déjà aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Une sorte d'état des lieux qui faisait défaut pour rendre compte de l'activité et de la diversité de la scène artistique hexagonale.

J'ai passé quatre heures sur ce site. Je m’y suis rendu sans à priori et finalement en ayant lu assez peu de choses au préalable. Pour ne pas être désagréable je dirai que je suis très partagé car dans la liste des gens exposés, sont présentés un certain nombre d’artistes que j’aime. Mais la perception que j’ai de cette manifestation  reste néanmoins négative.

J’ai l’habitude de fréquenter assez assidûment les galeries et les expositions, notamment celles qui présentent des oeuvres contemporaines. Beaucoup des pièces exposées ici sont loin de m’être étrangères et c’est même un plaisir certain d’en retrouver qu’il était impossible de voir depuis des années. Mais très bizarrement une sensation de malaise m’a habité très rapidement, dès le début de la visite, et ne m’a jamais définitivement quitté. Alors pourquoi ?
Le titre de cette manifestation pose d’emblée un problème : La Force de l’art,  (avec une majuscule à Force dans les documents officiels). Je n’ai encore rien lu pour l’instant qui justifierait ce choix, qui sans doute est légitime du fait des intentions annoncées : il s’agit d’affirmer une position, d’énoncer, grâce à cette vision de catalogue, que la scène artistique contemporaine française existe et qu’elle n’a rien à envier à celle qui se développe  dans le monde anglo-saxon, aujourd'hui nettement plus valorisé et représenté. Ce titre est elliptique ou plutôt incomplet : c’est la Force de l’art français qu’il aurait fallu écrire, mais c’est moins élégant. Entendons-nous, il n’y a aucune honte à défendre des artistes qui travaillent sur le territoire. Du point de vue de la renommée, de l’influence intellectuelle d’une culture ou d’une nation, mais également de manière plus prosaïque, du point de vue commercial. D’autres pays (notamment anglo-saxons) le font de manière très pragmatique mais il me semble que ce titre est le symptôme d’une sorte d’indigence profonde dont la métaphore est le bunker installé à l’extérieur, à l’entrée de cette exposition (Mathieu Briand, ci-dessous).

Du simple point de vue commercial, on peut dire que ce bunker n’est pas ce qu’il y a de mieux  comme tête de gondole. Mais ça, je conçois qu'il s'agit là, de ma part, d'un jugement de valeur. Effectivement, l'oeuvre sert sans doute à illustrer cette notion de Force, liée à son emplacement de type ligne Maginot ; impression de force  également due à son apparence, austère, hostile, noire et menaçante.  
 Mais, il est comme la maison des petits cochons : creux, fragile, fait de petites tôles fines  assemblées au chalumeau (il suffit d’écouter le bruit que ça fait lorsque l’on fait toc toc dessus à l’aide de l’index replié).  Si ceci est une représentation, voire une métaphore de cette Force, on conviendra qu'elle est un peu pathétique. Est-ce ça la Force ? A-t-on besoin d’être menaçant pour montrer ses qualités ? Et puis surtout, que penser d’une exposition -d’art- qui prône comme critère principal, essentiel, quasiment unique, le rapport de Force ? Rapport de Force, réitéré, tant dans ce F majuscule de son titre, dans les lourdes lettres grasses de sa typographie que dans les nombreux rappels de ce titre qui tapissent des milliers de fois les parois extérieures et intérieures de cette exposition.
 C’est peut-être ce manque de générosité qui m’a d’emblée rendu mal à l’aise.

Suite dans le prochain billet
illustration : Annette Messager "faire des cartes de France", 2000photographies du site officiel et de l'auteur

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