mercredi 29 novembre 2006

Andy WARHOL

Andy Warhol
ombres
ShadowsShadows. Andy Warhol a toujours été préoccupé par les ombres, et ceci pour des raisons à la fois distinctes les unes des autres, et complémentaires.
Les valeurs plastiques des ombres en font incontestablement un matériau simultanément riche, complexe, modulable, profond et léger. Elles restent intimement associées à la représentation. Mais elles sont également porteuses de valeurs symboliques qui, en leur donnant du sens, les rendent mystérieuses, inquiétantes, énigmatiques ou autoritaires. Leur inconsistance, paradoxalement, forcent le respect.
Dans les productions plastiques que sont ses peintures et autres sérigraphies, Warhol va appréhender les ombres de manière concrète -à la manière d'un peintre- et métaphysique.
Une sérigraphie qui bave produit un dédoublement. Comme le ferait une ombre. Si cette sérigraphie est noire ou grise, la confusion ou l'ambiguïté s'amplifient. C’est donc deux au lieu d’un, une épaisseur, un bégaiement du je ou de l’autre si je le désigne. C’est l’amorce d’une fuite, un ailleurs incertain comme dans l’immense Ten Lizes qui appartient aux collections du Musée d’art moderne (Centre Georges Pompidou). En 1963, Warhol va sérigraphier en noir le portrait de Liz Taylor et aligner dix de ces sérigraphies sur une immense toile. Liz Taylor va mal. On dit qu’elle va mourir. Le portrait, grand, répété, toujours le même et systématiquement différent avec ses bavures d’encre noire, ses légères superpositions, ses fragments disparaissant dans le fond du support, vont produire un frémissement, un tremblement inquiétant, aisément interprétable dans le contexte de l’époque et de la situation.

En 1978, Warhol va se lancer dans une entreprise extrêmement déceptive pour la critique d’art de l’époque : ce sont les séries qu’il intitulera tout simplement Shadows. Loin des paillettes et des créations pour happy-few, des portraits pour célébrités et milliardaires, l’artiste va produire des photographies puis des sérigraphies d’ombres. Il intégrera le référent dans quelques-unes mais la majorité de cette production de l’époque sera consacrée à des ombres générées par des (objets, individus ? ) impossibles à identifier. Andy Warhol plongera ainsi dans l’abstraction en traitant d’une manière radicalement différente ce qui l’a toujours habité : son angoisse de la mort.
Il s’agira à la fois d’un retour marqué à cette préoccupation essentielle, celle qui a guidé toute son oeuvre (même dans les moments qui paraissent les plus futiles) et d'un retour à la peinture ; un retour à une peinture radicale. Le milieu artistique n’y trouvera pas son compte. Ces séries Shadows sont pourtant d’une grande force et d’une grande poésie.

A chaque fois que ces travaux ont été montrés, on a fait référence à cette idée de «la vie, cette ombre passante » de Shakespeare, rendant compte de la portée métaphysique de cette oeuvre exigeante. Il en fut encore ainsi à l’occasion de l’exposition présentée au Musée d’art contemporain de Lyon en avril 2005 : L’oeuvre ultime. Ces ombres qui émanent de nulle part , qui ne peuvent pas être rassurantes et que l’on découvrait dans la pénombre des salles de cette exposition.
illustrations :

* TenLizes : 1963, Musée d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, huile et laque sur toile (procédé sérigraphique) 201 x 564,5 cm
* toutes les autres sont empruntées à l'internet

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