vendredi 22 décembre 2006

Gradiva 2.

Gradiva
dépeindre

Transports et déplacements.        Motions et émotions.
Celle qui se meut me meut, celle qui se meut m’émeut.
"La Gradiva", la jeune fille à la si jolie démarche, celle qui resplendit en marchant, celle qui produit le trouble et le transport amoureux du fait de son simple déplacement, va m’émouvoir, me bouleverser, dans un impossible rapport au temps.

Le déplacement dans le temps participera à l’émotion.
Ces problèmes de représentation, de tentatives de restitution d’images écartelées par le temps et le fantasme, je le disais hier, sont complexes et passionnants.

André Gunthert dans son texte* y fait réference à deux reprises, dans une requalification de l’image et de sa perception qui passe par les mots. Le premier exemple qu’il cite concerne  une photographie reproduite dans la “Petite histoire de la photographie” (1931) de Walter Benjamin. Le photographe Karl Dauthenbey et sa femme y sont représentés. Walter Benjamin, connaissant l’histoire du triste destin de cette femme qui s’est suicidée après la naissance de son sixième enfant, va développer une vision très émotionnelle de cette image fondée sur l’observation qu’il fera du regard de celle qui va se trancher les veines. Le commentaire qu'il fera de cette image lui servira à démontrer le fait qu’il y aurait dans la photographie en général quelque chose qui excède la représentation («Son regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers de lointains funestes»).
Cette photographie seule ne peut pas nous dire ce drame. Benjamin échafaude ici une construction fondée sur la lecture  du livre de souvenirs du fils de Karl Dauthenbey. Dans ce livre (L’Esprit de mon père), Max Dauthenbey va faire la description d’une photographie du couple mais sans la montrer. Et malheureusement pour sa démonstration fondée sur l’émotion, Benjamin va superposer le récit et l’image. Ce qu’il sait n’est pas ce qu’il voit mais il ne le sait pas au moment de sa démonstration. L’émotion l’a transporté… En effet, il y a erreur sur la personne. Celle que l’on voit sur la photographie, celle dont le « regard à elle est fixé au-delà de lui, comme aspiré vers de lointains funestes» n’est pas celle qui s’est suicidée. La
femme du portrait du couple est la seconde épouse  de Karl Dauthenbey, avec qui il s"est marié deux ans après la mort tragique de sa première femme.
Transports et déplacements. Motions et émotions.
Celle qui se meut me meut, celle qui se meut m’émeut….


L'autre exemple, j'en parle demain (enfin, peut-être.)
* Le complexe de Gradiva, Théorie de la photographie, deuil et résurrection,  qui fait partie du N°2 de la revue Études photographiques
liens :

* texte de Sigmund Freud, Le délire et les rêves dans la Gradiva de W. Jensen


Commentaires

S’il est de prime abord les images qu’impriment sur le fond de notre rétine les réactions à la lumière des objets du monde, grande place est à faire à l’image qui, en dehors de la vue, circonscrit le phénomène de conception, manifestation intérieure du souvenir et du désir entant qu’ils cristallisent les composés divers et complexes par lesquels un objet, ou plus généralement le monde, se manifeste à nous. 

Quelque  chose qu'il faudrait développer, mais l'ampleur de la tache m'épuise à l'avance.. 
Commentaire n°1 posté par pop corn le 22/12/2006 à 19h45
L'image du souvenir et celle du désir sont intimement liées, même si on n'en a pas toujours conscience. Je parle dans le papier d'aujourd'hui (Gradiva 3.) de cette histoire de désir.
 
Commentaire n°2 posté par espace-holbein le 23/12/2006 à 11h09

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire