vendredi 11 juin 2010

Le Désert de RETZ. 2

Le Désert de RETZ
mc3 Dans l'édition de 1756 de L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, Claude Henri Watelet définit ainsi le mot fabrique :«Tout bâtiment dont la peinture offre la représentation.» À compter de ce moment, les constructions ornementales pittoresques élevées dans les jardins porteront le nom de fabrique - pittoresque s'entend ici au sens étymologique, c'est à dire «susceptible d'être peint». *
Il existait vingt et une fabriques sur le domaine du Désert de Retz. Beaucoup ont été détruites. Ainsi, il ne reste que quelques photographies, notamment d'Izis (1), pour se souvenir de la Maison chinoise, en ruines, et qui a maintenant totalement disparu. Et puis les dessins d'époque (2, 3).  
Certaines de ces fabriques sont devenues des vestiges et enfin quelques-unes ont fort heureusement bénéficié d'une restauration.
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On peut comprendre facilement les raisons de la disparition totale de la Maison chinoise et du petit pavillon attenant lorsqu'on lit les descriptions qui en ont été faites : «Entièrement construite en bois de teck importé d'Inde, elle repose sur une assise de pierre. Des mâts horizontaux soutiennent les avancées du toit à ressauts décorées de doucines -couvertes d'ardoises taillées en écaille de poisson- que coiffent deux vases de Chine en tôle peinte faisant office de cheminées (...).»  : les matériaux utilisés ont subi l'assaut du temps et le raffinement à la fois de l'architecture intérieure et du contenu de ce pavillon n'ont pas résisté aux différentes vagues de pillage.
           
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Ce qui était en pierre est parfois resté partiellement comme le Théâtre découvert sous un Berceau de Grands Ormes (4) ou bien encore les colonnes baguées du Temple du Repos.(5). Autant de traces de ces fabriques qui encadraient un panorama -une "vue"- que le promeneur découvrait au fur et à mesure de son déplacement. Ici le Théâtre découvert est une sorte de métaphore du projet général du comte de Monville. Et l'on fera ici référence aux fameux jardins chinois que des Jésuites français installés en Chine avaient découverts. Il s'agissait d'organiser la nature en reconstituant des paysages dits «naturels» faits de ruisseaux, de grottes, de petites bosses de verdure, de rochers, de plans d'eau, de buissons, d'herbes "sauvages" et même de délicates constructions savamment disposées dans cet ensemble. L'individu itinérant croisait ainsi, à certains moments de son parcours, des tableaux dans lesquels tout était déjà composé. Mais le XVIIIème siècle, siècle des Lumières, n'en restera pas à cette conception du paysage liée étroitement au pittoresque. Le promeneur évoluera d'une étape à l'autre, au gré des fabriques, et percevra toute la dimension philosophique de son parcours pour arriver finalement, au bout de son trajet, à la ruine. Et l'on verra avec la Colonne Détruite - qui rappelle d'une certaine manière la Tour de Babel et la perte du langage - que la quête de sens créée par ces compositions et ces recréations de la nature est loin d'être un hasard.
           
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Mais le promeneur aura parfois un avant-goût de son étape finale en croisant, par exemple, ce Petit Autel presque ruiné (6, 7) conçu comme tel dès le dessin initial : une ruine avant d'être fabriqué. Ce qui est troublant est de constater que ce Petit autel  presque ruiné a   lui-même subi les affres du temps et que son apparence actuelle le renvoie à égalité avec les autres fabriques existantes, également mais naturellement ruinées. Le temps, inexorable, aura aplani les différences à visée philosophique.
           
             
           
           
           
  (suite prochainement, j'espère)      
           
           
           
* extrait de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres : Le Désert de Retz, paysage choisi, Éditions de l'éclat, Paris, 2009, p49
           
           
photographies personnelles sauf 1, 2, 3,  extraites de l'ouvrage de Chloé Radiguet et Julien Cendres cité ci-dessus  
           
           
           
           

           
           

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