jeudi 15 juillet 2010

Les phoques

Les phoques
bierstadt 600
 

  La Marche

 
 
Peut-être convient-il de commencer ce récit par l'évocation d'un spectacle de cirque qui s'est déroulé en 1918. Mes yeux éblouis y découvrirent pour la première fois - dans des exercices certes modestes, mais qui me parurent à cette époque prodigieux - les animaux qui méritent notre respect le plus fervent : les phoques. Quant au bonheur que j'associe involontairement à ces souvenirs, je l'attribue à présent (mais il ne faut pas oublier qu'en ces jours de malheur nous sommes victimes de nos obsessions) à la noble, à la sainte griserie de la victoire ; pourtant, lorsque j'essaie de revivre, sans les trahir, mes  sentiments d'alors, je comprends qu'au cœur de ma félicité, comme symboles de futurs mystères, se trouvaient la gigantesque tente pavoisée et trois enfants - Helena, Marcos et moi - se tenant par la main devant un seuil funeste.
Quand s'acheva le numéro des phoques, Marcos quitta la loge. Un chimpanzé apparut à vélo dans la rouge circonférence de la piste. Le singe pédalait sans regarder son étroit chemin ; il avait les yeux fixés sur Helena. Soudain les événements se précipitèrent. Helena pleura ; Marcos revint et dit qu'il avait obtenu la permission de rendre visite aux phoques et aux autres animaux ; Helena implora et menaça : si j'y allais, elle ne me reverrait plus ; je suivis Marcos.
 
Adolfo BIOY CASARES
La trame céleste,1948/1956
Nouvelle : Des rois futurs, p35
traduction (1998) Eduardo Jiménez, 
Éditions Robert Laffont
 
 
 
. illustration : Albert BIERSTADT
   Seal Rock
   New Britain Museum of American Art, Connecticut.
   source
 
. TRIO JOUBRAN
   La Marche
   extrait de : Le Dernier Vol


Commentaires

Est-ce Bioy Casares ou son traducteur, qui n'appelle pas un chat un chat ? (Car enfin, c'était sûrement des otaries.)
Commentaire n°1 posté par PhA le 16/07/2010 à 22h03
Zoologiquement mystérieux... L'espèce est argentine, pour sûr. Et puis, a-t-on jamais vu des chats sur une piste de cirque ? Oui, mais pas plus que de phoques. 
Ah, la littérature reste impénétrable !
Commentaire n°2 posté par espace-holbein le 17/07/2010 à 07h29
quelle que soit leur appartenance zoologique, ces phoques donnent envie d'un été indien dans le Connecticut ! plus cool que le Golfe de Mexico ..Est-ce à cause de cela que j'ai ressenti une pointe de mélancolie pour ces animaux pleins de joie aquatique ? et le "rock' et leur présentation de dos m'ont carrément conduite vers Caspard David Friedrich .. emportée sans doute par un courant très personnel ..
Commentaire n°3 posté par Ch le 17/07/2010 à 23h08
Je n'avais jamais entendu pas ce morceau du trio joubran, mais il est très beau. Je connaissais leur album hommage au poète Mahmoud Darwish. Et à Arles, j'ai acheté un livre de Darwish (de mémoire, Le Lanceur de dé) accompagné des photographies d'Ernest Pignon-Ernest. Je suis toujours fascinée en découvrant les liens amicaux d'artistes que j'apprécie  individuellement et qui créent des oeuvres communes. Trio Jourban / Darwicsh / Ernest Pignon-Ernest : trio parfait, non ?
Commentaire n°4 posté par laurence le 17/07/2010 à 23h37
entendu parler de (le site mange les mots ? ;-)
Commentaire n°5 posté par laurence le 17/07/2010 à 23h38
Entre l'été indien et Mahmoud Darwich, décidément, nous voyageons.
Je trouve en effet qu'il est agréable de tenter des rapprochements (parfois inattendus) entre certains artistes ou 'atmosphères' car la réalité des 'liens amicaux d'artistes' est là souvent pour nous surprendre.
Oh, un site qui mange les mots ! Gare aux indigestions !
Commentaire n°6 posté par espace-holbein le 19/07/2010 à 08h15
 
 
 
 
 

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