jeudi 11 septembre 2014

Le mur, la Maison Rouge


Une bande continue, aux deux bords bien parallèles, formée d'un flot ininterrompu de peintures, de dessins, d'objets, de photographies, circule dans tout le lieu d'exposition. Les œuvres se côtoient, sans logique apparente, sans hiérarchie. Ce qui frappe c'est la profusion, l'extrême rigueur de l'accrochage, son flot rigoureux, généreux et bien sûr, pour contredire cette espèce de détermination, d'acte volontariste, une réitération, sans fin, sans souffle -pourrait-on dire-, de surprises produites par la cohabitation d'œuvres que l'on n'aurait jamais imaginées se touchant, vivant leur vie parmi ce tout. Certaines œuvres sont très connues, d'autres beaucoup moins, quasiment orphelines. Mais on sent des goûts affirmés, des orientations noyées dans ce grand tout.


Serait-ce une Vanité ? Une somme ? Un bilan ? Un état des lieux ? (l'état d'une vie, celle d'un collectionneur sur laquelle il décide de s'arrêter, de méditer ?). La collection d'Antoine de Galbert est montrée ici  au terme d'une dizaine d'années d'existence de la Maison rouge, dix années faites d'expositions variées parmi lesquelles beaucoup d'autres collections qui ont été montrées ici même  : la dernière en date -exposition marquante- a été celle de David Walsh présentée sous le titre Théâtre du Monde.



"j’ai choisi de présenter l’essentiel des œuvres de ma collection, s’accrochant au mur, à l’aide d’un logiciel renseigné seulement par leurs formats (encadrées) et leurs numéros d’inventaires."
Ce travail a été confié à un informaticien qui a utilisé la méthode dite de Monte Carlo, bien connue des mathématiciens, qui vise à calculer une valeur numérique en utilisant des procédés aléatoires, c’est-à-dire des techniques probabilistes. L’appellation de cette formule fait allusion aux jeux de hasard pratiqués dans les casinos. "
 Antoine de Galbert in Le Mur, éd. Fage, catalogue de l’exposition




Cette approche est nouvelle puisqu'aucun commissaire d'exposition n'a été sollicité. A priori, toute réflexion sur une logique liée au sens donné à l'accrochage a été bannie et le résultat est donc le fruit d'un hasard fondé  sur les mathématiques.



L'artiste Claude Rutault a été sollicité par le collectionneur en vue d'intégrer sa démarche personnelle, appliquée à un accrochage de type aléatoire. Ce choix paraît judicieux compte tenu des préoccupations de l'artiste, systématiquement en prise avec la logique d'accrochage de ses toiles et de la couleur des murs sur lesquels elles sont placées. En conséquence, on rencontrera des toiles de formats variés qui jalonneront l'exposition et qui auront la particularité d'adopter la couleur des murs qui les supportent. 



Une toile de Rutault - de la même couleur que le mur- prendra place à côté d'une autre de la collection, peinte par Eugène Leroy. Leurs dimensions seront identiques. Les règles de Claude Rutault vont, d'une certaine manière, parasiter la logique de l'accrochage mais s'y intégrer également.


Les cartels sont bannis de l'exposition mais les références des œuvres sont accessibles sur les bornes au centre des allées. Ce principe de bannir les cartels de l'exposition était déjà à l'œuvre à l'occasion de la visite de l'exposition Théâtre du Monde.



Cet acte qui consiste à laisser la décision finale à un algorithme pose naturellement quelques problèmes car l'échelle humaine n'est pas prise en compte et la hauteur à laquelle sont accrochées certaines œuvres -lorsqu'elles sont de petite taille- ne permet pas de les apprécier, sinon, plus simplement, de les regarder. Mais, finalement, est- ce bien le propos ? Il s'agit d'être face à un tout, immergé dans un ensemble.



Le retour à une certaine forme d'accumulation visuelle est dans l'air du temps et participe sans doute à un phénomène de mode. Le White Cube est de l'histoire ancienne, son temps est passé et finalement -c'est vrai- il est très daté. Des pratiques d'expositions ou d'accrochages où les œuvres sont présentées de manière jointive sont dans l'air du temps (voir certaines salles de Modernités plurielles, le nouvel accrochage des collections d'art moderne du Centre Georges Pompidou) ou bien encore cette présentation de tableaux dans un musée berlinois) et finalement c'est bien de renouveler nos façons de regarder.

Il demeure que cette collection est magnifique. Ne boudons pas pas notre plaisir.



DU 14 JUIN AU 21 SEPTEMBRE 2014

LE MUR, LA COLLECTION ANTOINE DE GALBERT




La maison rouge, fondation Antoine de Galbert
10 bd de la bastille - 75 012 Paris

www.lamaisonrouge.org 

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